7 Février 2020

Solar Orbiter vs Parker Solar Probe : 2 missions, 1 objectif !

Solar Orbiter, mission de l’ESA, partira de Cap Canaveral le 10/02/2020, destination le Soleil. Parker Solar Probe, mission de la NASA a elle décollé en 2018 et a déjà effectué quatre des 24 passages planifiés autour de notre étoile. Icare lui-même s’y était brûlé les ailes mais Solar Orbiter et Parker Solar Probe ont leur bouclier thermique ! Complémentaires, les deux sondes spatiales vont nous fournir des observations inédites du Soleil.

Le vent solaire, un objectif commun

Théorisé par Eugene Parker, qui a donné son nom à la mission Parker Solar Probe, le vent solaire sera étudié par les 2 sondes. Le vent solaire est un flot de particules électriquement chargées – ions, électrons, principalement des protons et des noyaux d’hélium. Il s’en dégage du Soleil plusieurs tonnes chaque seconde, à des vitesses phénoménales, et dans toutes les directions. Toutes les planètes du système solaire sont ainsi bombardées en permanence par ces particules. « Heureusement, sur Terre, nous avons notre champ magnétique qui nous protège comme un parapluie, précise Kader Amsif, responsable des programmes Soleil, héliosphère et magnétosphères. Ce parapluie est légèrement troué aux pôles où ces particules entrent en contact avec notre atmosphère pour donner de magnifiques aurores boréales ou australes. »

Ce qui est surprenant, c’est qu’il existe en réalité 2 vents solaires : l’un est rapide – 700km/s ! – et provient des pôles du soleil, l’autre est plus « lent » – 400km/s quand même – et il provient plutôt des zones équatoriales du soleil, même si son origine est assez mal comprise.

Une météo de l’espace liée aux cycles du soleil

Étudier ce vent solaire nous permettra d’en savoir plus sur les cycles du soleil, sur ses « sautes d’humeur » et les conséquences que cela peut avoir sur la Terre. En effet, notre étoile peut être du genre colérique… Et certaines « colères » du soleil sont plus importantes que d’autres : on les appelle EMC pour éjection de masse coronale. Lors de ces EMC, d’énormes quantités de particules sont relâchées dans l’espace.

Lorsque ces EMC arrivent dans l’environnement terrestre, cela n’est pas sans danger sur nos installations électriques et nos réseaux de communication. En 1989, une EMC a frappé la Terre avec pour conséquence de faire s’écrouler le réseau électrique québécois pendant plusieurs heures. Pire encore, il y a plus de 150 ans, une tempête solaire d’ampleur inégalée s’est traduite par des aurores polaires jusque dans les Antilles, mais aussi par des perturbations fortes sur le télégraphe, moyen de télécommunication de l’époque.

Mais un tel événement aujourd’hui n’aurait pas les mêmes implications. Panne de communications radio, mise hors service des satellites, panne de signal GPS, perturbations du transport ferroviaire… Selon une étude britannique publiée en 2017 par la revue Risk Analysis, une tempête solaire comme celle de 1859 provoquerait aujourd’hui des centaines de milliards de dollars de dégâts. « Autant dire que l’idée de pouvoir prévoir les événements solaires et de développer cette nouvelle discipline qu’on appelle la météorologie de l’espace est un enjeu de taille ! Mais nous en sommes encore très loin ! » ajoute Kader Amsif.

Dossier météo de l'espace

La météorologie spatiale est une discipline qui  étudie l’activité du Soleil et son interaction avec la Terre : vents solaires, radiations, tempêtes... Ces phénomènes peuvent en effet provoquer des problèmes sur Terre, comme la paralysie des télécommunications. Le but est de mieux les prévoir, pour mieux s’y préparer.

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2 missions en tandem

A elles deux, Solar Orbiter et Parker Solar Probe disposent de 14 instruments pour étudier – entre autres -  le vent solaire. Chacune a ses propres spécificités.

Parker Solar Probe emporte avec elle 4 instruments. Elle va effectuer plusieurs orbites autour du soleil, en s’approchant toujours plus près et toujours plus vite. À chaque passage au plus près du soleil, la sonde se trouvera à l’intérieur de la couronne solaire, ce halo qui entoure le soleil et que l’on peut apercevoir lors d’une éclipse. « Parker Solar Probe va s’intéresser notamment au chauffage de cette couronne solaire : la surface du Soleil fait entre 5 000 et 6 000 °K, mais la couronne, elle, peut atteindre la température extraordinaire d’un million de degrés, ce qu’on n’arrive pas encore à expliquer », explique Kader Amsif.
En 2025, la sonde passera à 6,2 millions de kilomètres de notre étoile, là où aucun engin construit par l’homme ne s’est jamais aventuré. A cette distance, le choix des instruments est limité : avec une température dépassant les 1400 degrés, impossible d’embarquer une caméra ! Mais cette proximité sera en revanche idéale pour analyser des particules.


Solar Orbiter, elle, emporte 10 instruments : 4 instruments de mesures in-situ et 6 instruments de télédétection (mesure à distance). Elle dispose donc d’un avantage de taille : elle pourra « suivre » des événements comme des éruptions solaires. Autrement dit, lorsqu’un événement aura lieu à la surface du Soleil, nous serons capables de mesurer les effets de cet événement au plus près du Soleil (via la télédétection) et au plus près de la sonde (via la mesure in-situ) en même temps.

Solar Orbiter orbitera à environ 42 millions de km du Soleil, donc beaucoup plus loin que Parker Solar Probe. Cela lui permet d’embarquer plusieurs capteurs d’images qui prendront des photos du Soleil avec une précision inégalée : « La différence est dans la gamme de longueurs d'ondes et le type de structures observées. Pour des images de la couronne du Soleil, nous pensons pouvoir faire 2 à 3 fois mieux que les instruments en orbite terrestre ! 

Par ailleurs, Solar Orbiter sera le 1er satellite à s’approcher aussi près du Soleil avec des caméras à haute résolution. 

Isabelle Fratter, chef de projet Solar Orbiter

Au cours de la 2ème partie de la mission, l’inclination du plan de l’orbite s’élèvera de 24° à 33° par rapport au plan de l’écliptique. Un tout nouveau point de vue pour l'observation de notre étoile sera donc possible. Seront obtenues les toutes premières images des régions polaires du Soleil, importantes pour mieux appréhender l'origine du vent solaire rapide et l'évolution du champ magnétique à ces latitudes.

Les différentes manœuvres du satellite l’amèneront également à prendre les premières images de notre étoile depuis l'intérieur de l'orbite de Mercure. « A ces distances, la vitesse de la sonde se rapprochera de la vitesse de rotation du Soleil, indique Kader Amsif. Cela lui permettra ainsi de suivre des régions près de sa surface plus longtemps que toute autre mission spatiale. »

Autant dire que Solar Orbiter et Parker Solar Probe ont du pain sur la planche !

Le rôle du CNES


Solar Orbiter

La communauté scientifique française a très fortement contribué à la mission en fournissant l’instrument RPW et en contribuant à la réalisation de 5 autres instruments de la charge utile. Le CNES est responsable de l’ensemble de la contribution française, développée en partenariat avec les laboratoires du CNRS et du CEA, de l’Observatoire de Paris, des universités et écoles.


Parker Solar Probe

Soutenus par le CNES, des laboratoires français (LPC2E, LPP) ont contribué aux instruments de Parker Solar Probe.